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Froid en stock au-delà de Jupiter


​Les chercheurs du CEA et de l’Université Paris-Diderot pensent avoir débusqué le phénomène à l’origine de l’isolation thermique exceptionnelle des petits corps glacés, situés au-delà de Jupiter : une sous-couche de glace d’eau amorphe, quelques centimètres en dessous de leur surface. Désormais, ils comprennent mieux pourquoi ces corps sont incapables d’emmagasiner la chaleur du Soleil. Ces travaux sont publiés dans le volume d’avril d’Astronomy & Astrophysics.

Publié le 4 avril 2016
Une planète ou un satellite emmagasine d’autant moins de chaleur solaire que les échanges thermiques internes y sont peu efficaces. L’isolation thermique du corps joue donc un rôle premier plan. Or les petits corps glacés et sans atmosphère, situés au-delà de Jupiter dans notre système solaire, ont une isolation thermique importante, qui semble croître avec la distance au Soleil. Ce comportement est difficile à comprendre pour la communauté scientifique : plus ces objets sont éloignés du Soleil (et donc froids), moins ils sont capables d’emmagasiner la chaleur reçue !

Deux chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire /AIM (CEA/Paris-Diderot/CNRS) ​​expliquent ces observations en prenant en compte la structure de la surface (porosité, taille des grains, nature des contacts...) et surtout en  examinant dans le détail les transferts thermiques en profondeur. Ils montrent que l’isolation thermique croissante de ces corps avec la distance au Soleil s’explique si leurs surfaces sont recouvertes de grains composés de glace d’eau amorphe, c’est-à-dire des molécules de glace d’eau arrangées de manière désordonnée (contrairement à la glace cristalline). La glace d’eau amorphe conduit en effet moins bien la chaleur que la glace cristalline.

Mais il y a un « hic » : la surface de glace observée par spectroscopie dans l’infrarouge proche est constituée de glace cristalline ! En réalité, l’émission thermique de ces corps dans l’infrarouge moyen atteste bien de la présence de glace amorphe dans les premiers centimètres de profondeur. Si son existence est attendue à ces basses températures et favorisée de plus par le bombardement de particules de haute énergie, en revanche la présence de glace cristalline est encore mal comprise. Celle-ci pourrait témoigner d’une activité géologique récente, déposée par de récentes éruptions de « cryovolcans » par exemple, ou bien elle pourrait s’être formée sous l’effet d’un réchauffement induit à la surface par ces bombardements.

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La nouvelle méthodologie proposée par les chercheurs permet d’expliquer la dichotomie de l’inertie thermique observée à la surface de Mimas, satellite de Saturne : des différences de composition, notamment la présence variable de glace amorphe, permet d’expliquer les différences de températures observées au cours de la journée. À gauche, en bas : Mimas observée par la sonde Cassini ; à gauche,​ en haut : modélisation de la température selon la précédente théorie ; À droite : température mesurée par le spectromètre CIRS-CASSINI, où la face avant présente une inertie thermique beaucoup plus importante que la face arrière. © NASA/JPL/GSFC/SWRI/SSI

Ces travaux permettent d'expliquer l'origine de la dichotomie thermique mesurée à la surface du satellite Mimas, un satellite de Saturne dont la face avant (toujours orientée dans la direction du mouvement orbital) présente une inertie thermique beaucoup plus importante que la face arrière. Ils ouvrent enfin des perspectives fascinantes pour mieux comprendre les processus qui sculptent les surfaces planétaires glacées, comme par exemple le long des versants du cratère Herschel au cœur de la gueule de Mimas « Pacman », où des blocs d'affaissement massifs ainsi que des écoulements des débris sont observés.
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Observation de Mimas par Cassini (face arrière) : le long des versants du cratère Herschel, on observe des blocs d'affaissement massifs ainsi que des écoulements des débris, qui apparaissent comme des stries de différents albédos.  © NASA/JPL/SSI​

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