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Observation de l’éjection d’antimatière par un trou noir


​​​​​​​​​​​​​​​​​​​Le satellite européen INTEGRAL a pu observer l’activité exceptionnelle d’un système binaire galactique abritant un trou noir dix fois plus massif que le Soleil. L’analyse des rayonnements X et gamma de la source V404 Cygni, menée par une équipe internationale de chercheurs incluant le Service d’Astrophysique au CEA-Irfu, a démontré l’existence d’importantes bouffées de plasma constitué d’électrons et de positrons, leurs antiparticules. Ces travaux apportent un éclairage nouveau sur le comportement des trous noirs de la Galaxie et l’origine du fond diffus gamma galactique. Ils sont publiés dans la revue Nature du 29 février 2016.​

Publié le 1 mars 2016

En juin 2015, la source V404 Cygni, située dans la constellation du Cygne à environ 8 000 années-lumière de la Terre, a débuté un remarquable épisode d'activité, attirant les regards de la communauté scientifique et notamment du satellite INTEGRAL. V404 Cygni est un microquasar[1] composé d’une étoile de faible masse et d’un trou noir.  Il fait partie de la famille dite des systèmes binaires « accrétants » car la matière de son étoile est aspirée par le trou noir, ce qui mène à l’éjection sporadique de j​ets de matière.​

Plasma de paires et raies d’annihilation

C’est notamment grâce à l’analyse des résultats fournis par le spectromètre SPI du satellite INTEGRAL qu’ont été observées des bouffées de « plasma de paires », plasma constitué de paires électron- positron. Durant cette campagne d’observation, les données ont en effet  permis de découvrir d’intenses émissions de photons à l’énergie de 511 keV. Cette émission, appelée « raie d’annihilation », est la signature de l’annihilation de l’électron avec son antiparticule, le positron. Cette annihilation indique la présence d’antimatière et donc sa production. La source V404 Cygni montre une variété de sursauts, certains atteignant des records de brillance en rayons gamma, et l’intensité observée durant les dix jours d'activité implique une forte production de paires électron-positron. Plus de 1042 paires ​sont créées par seconde durant les sursauts ce qui désigne V404 Cygni et les microquasars comme des pourvoyeurs efficaces de plasmas de paires, des « usines à antimatière » en quelque sor​​te.

VidéoSursauts du microquasar V404 Cygni

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Les microquasars pourraient expliquer le fond diffus gamma de la Galaxie 

Hormis une meilleure description des processus en jeu dans un tel système binaire, ces différentes observations et leurs implications soulignent le rôle clé joué par les microquasars pour expliquer l’émission diffuse de la Galaxie en rayons gamma, émission dont l’origine  est  une question​ encore largement débattue. L’étude de la raie d’annihilation de V404 Cygni apporte en effet un indice important sur l’origine de l’émission diffuse à 511 keV observée dans le bulbe galactique. 
[1] Un microquasar est un système binaire contenant un objet compact, une étoile à neutrons ou un trou noir, qui capture la matière d'une étoile compagnon et produit des jets d'une vitesse proche de la vitesse de la lumière. Ces jets sont à plus petite échelle similaires à ceux issus des « quasars », centres de galaxies très actives contenant un trou noir hyper-massif.  Le terme « microquasar »  a été introduit par F. Mirabel du Service d'Astrophysique après la découverte des jets de la source 1E1740.7-2942 en 1992.​​
Le flux total observé dans le bulbe galactique requiert qu’à tout moment, dix sources de ce type soient dans une phase d’activité simultanée. En considérant un rendement (rapport phase active versus phase calme) de 1/1000ème, ceci conduit à supposer l’existence de 1 000 à 10 000 systèmes similaires à V404 Cygni, tous situés dans le bulbe galactique, pour rendre compte de l’émission observée.  Ce scénario est, selon les chercheurs, tout à fait possible au regard des modèles de population d’étoiles dans la Galaxie qui prédisent un total de l'ordre de 100 millions de trous noirs stellaires galactiques.
Une étude complémentaire, dirigée par les chercheurs du Service d’Astrophysique, a permis de décrire le comportement spectaculaire de la source V404 Cygni qui a montré de brèves variations de flux extrêmement intenses avec des fluctuations d’un​​ facteur presque 1000 sur une période typique d’une heure.
Ces travaux confortent le rôle clé joué par les microquasars pour enrichir en plasma de paires les régions centrales de la Galaxie et soulignent également leur impact sur l’excès observé de l’émission diffuse de la Galaxie. 

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